Pour moi, la distinction entre poésie et chanson n’a jamais été simple ni définitive. Les textes écrits pour des chansons ont une force poétique autonome qui leur permet parfois de se montrer sans habit musical. Ils se révèlent alors de façon surprenante comme dotés d’une forme et d’un sens nouveaux, presque d’une autre musicalité. Ce sont de vrais poèmes ! C’est le cas de certains textes de Léo Ferré ou de Barbara, de Brassens ou de Colette Magny de Brel ou de Brigitte Fontaine.
Mon rapport à la chanson vient de la poésie et des chanteurs poètes. Je pratiquais l’écriture poétique bien avant d’apprendre à jouer d’un instrument et d’éprouver le désir de composer des musiques. Dans un premier temps, je voulais offrir mes textes, juste être auteur. Je les ai donc proposés à un Auteur-Compositeur-Interprète pour lequel j’avais une certaine admiration.
Chansons
Oh ! regarde la passer Sur le quai du Massoyo
Oh ! regarde la passer Comme elle te semble fragile
Noire de cœur Les yeux de jais Et la démarche féline
Sur le quai du Massoyo part un bateau
T’es mon soleil
Non c’est pas banal
Même la nuit
Mêm’ dans la grisaille
Ma lumière d’amour Et mon fanal
Quand tout s’éteint Que tout va mal
Toi t’éclair’ mêm’ Les fleurs du mal
D’un doux faisceau De bleus désirs
Où le spleen mue
En volupté…
Je cherche encore
Où fuit la vie
Que dit la mort
À qui perd la vie
Je cherche aussi
Le sens du temps
Sens interdit
Depuis si longtemps
Longtemps
Depuis trop longtemps
Chanson écrite en octobre 1986 et dédiée à Léo et Marie Ferré
Gueuler des chansons de marins
en attendant que la mort vienne
Appréhender l'amour de loin
lui mettre un petit de ma chienne
Monter la rue en poésie
pour un spectacle de trottoir
Laisser aux mots la nostalgie
de se bouffer tous nos espoirs
Et je l’ai dans le cœur
Qui me tient en éveil
Qui me tient l’arme au poing
Le sourire toujours prêt
Et des mots bien tranchants
Pour couper dans le temps
Les soleils révolus
Qui ne tournent plus
Et cette vie qui te ramène Encore à toi et puis toujours
Toujours la même
Et cette envie de dire amour De dire encore toujours à toi
Toujours l’amour
C’est bien quand même
Tu es le rêve vivant
L’harmonie du soir qui se love
Le pur miracle de mes nuits
L'espérance du jour qui vient
Je ne sais pas comment te dire les mots du cœur
Tu n'es jamais la même
Tu n'es jamais une autre
Tu es la roche que craignent les marins
Tu as les yeux de mer
Et le rivage incertain
Tes mains s'ouvrent aux étoiles
Et tes mots rappellent le soleil
Elle(s) regarde(nt) en arrière
Leurs corps se tient bien droit
Mais le temps leur fait peur
Maintenant elles ont froid
Les enfants ne jouent pas
Et les sages se taisent
Le désert est entré
Dans le cœur de chacun
Et le sable des mots
Coud leurs sacs de douleurs
Seul le vent tient les comptes
À l’abri du silence
On ira des enfants océans
On dira vers je t'aime à l'amour
On verra pour l'oiseau face au vent
Et les vagues mourront d'amertume
Ô les larmes en fleur du vaisseau
Vois ma vie se parfume à ta vie
Ô que l'enfance nous mesure le temps… le temps
Il y avait longtemps Très longtemps
Que la mer balançait Ses algues vertes
Et que ses algues dansaient Dansaient
Au rythme de l'eau
Lorsque Ésopie fit onduler la peau tendue
De son ventre Matutinal
Sous les rayons de la Lune
Un fil de sable entre les doigts
La vie qui coule compte à rebours
Le mur du vent parle d'amour
Une larme à ton sang se noie
Les mots effeuillés par l'automne
Ces vers froissés où ton corsage
De seins dressés pourquoi de rage
Tout s'achève et meurt ça t'étonne
On partira un jour comm’ ça
Sans rien dir’ comment pourquoi
On prendra le vent l’océan
Oui vers là-bas tout droit devant
On partira sans nostalgie
Vers un null’ part où vers ici
On passera des labyrinthes
Armés d’espoir pour toute absinthe
Elle est lune et soleil
Mon enfant ma rebelle
Elle est mer océane
Ma prière profane
Princesse enfant femme
Fleur d’amour de l’amour
Elle est le temps
Qui nous lie nuit et jour
Elina ma Nana mon Bébé
Mon P’tit Loup Lou
Loup
Quand ça viendra
Le poison de la fin
Ce petit désamour
Comme un pain quotidien
Quand ça viendra
Tomberont les oiseaux
Et le ciel noircira
Tous les points cardinaux
Ce soir j’ai froid
J'ai froid au cœur quand t'es pas là
Quand tu m'oublies quand tu t'en vas
J'ai froid au corps quand tu t'endors
Sans fair' l'amour comme les morts
J’ai froid tout bleu d’un bleu de blues
Quand tous les mois y’a plus de flouze
Si t’es chagrin’ que t’as le spleen
Mêm’ plus de ros’s que des épines
Je n'ai plus de mots d'amour en réserve
Plus d'âge tendre à te soumettre
Mes bouquets de douceur sont fanés
Plus de je t'aime à partager
Je n'ai plus de désirs au creux des reins
Mes mains sur ta peau restent étrangères
Tu peux reprendre solitaire
Ton chemin d'aventurière
Un chagrin consommé dans la fraicheur du soir
Ces caresses qui restent dans le fond de la nuit
Cette amie qui vous laisse en rade à l’aurore
Et l’aurore qui dure à travers chaque jour
Je t’aimais et tu me disais… viens... viens…
Ailleurs ailleurs J’entends ta voix
On s’en ira Ailleurs ailleurs
Si près si loin Dans le lointain
Tu te sens forte Ouvre la porte
Poésies
Ma langue de fleurs et de salams
Comme je t’emparle d’encenser ma vie
Si tu savais comme ça m’oblijure
Il le faut que je l’écriparle
Il le faut bien
Sinon à quoi bon l’arbre aux palabres
Et la forêt aux mille de sang neuf essences
Avec ses ginkgos à cent écus de terre
Et mon chêne aux six cents glands
Et toutes les alphabétudes de la retombée
Je serai le chien-loup de tes os médullaires
La bête de ton cosme philérotique
Chacune de mes dévotions sera profane
Et sacramentale
Par le va-et-vient infané de ta pulpe
Comme au prime jour de t’encontrer
J’en appellerai
À tes caresses d’enderme subfleuri
À quoi bon la terre
Et les salines de ton ventre
À quoi bon cette lèvre
Embordée d’alunissantes marées
Empartitionnée câline par lune d’entrefonds perdus
Ennoyée d’elfes fauves
De gazons d’éther
Omperlée d’écumeuse cristase
D’où je ne sais plus mais de partout possiblement
Quand elle me dit le chant d’amour
C’est elle qui me dit tout
C’est elle qui m’entrechairvit
Elle qui m’enjubiladonne
Me portémonde et me parturie
De hautes éraisons et de prime jeunesse
J’ai pris la langue en affection
L’ai pétrie en mes boulanges de sculpteur
L’ai voulue à sa place dans la bouche et entourée de dents
L’ai voulue émouchetée par guipure et madrague
D’où respirer et captuvivre l’âme et le poumon
En hommage à Jean Dubuffet,
("À chaque effondrement des preuves
le poète répond par une salve d'avenir."
René Char)
Ormoisir où vont salaisies trop cé trop dedans la rigole
Amer passeur j'aime art gondole au bois du cœur vert d'hérésie
Et quoi donc d'échos trop cé trop à roche à pic et porc époque
Mes pluies d'oiseaux longs nez qui voquent psychoquois partant d'animaux
Le syntagme a mis sous sa bure un verbe ascenseur qui le groome
Des parleurs masqués sous leurs clowns ce sang reptile à nos cultures
Peineur de mots de passe et d'heure ce livre ouvert ou bleu peignoir
Bataclant l'élite à mangeoire voile durée souffle aux truqueurs
Si je dérive en longs voyages À l'orgue de sa coque
C'est que sa voile en cloque à l’âge De tous ses vents baroques
C'est qu'elle m'amouille à sa transe Et me tame mon voeu
Glisse à ma lice en salanse Son sel femme anconneux